par FakirTanezu » 23 Avr 2018 14:48
Si à titre personnel je ne vois pas de problème à faire commettre des actes odieux à ses personnages, il y a deux réserves, notamment lors d'une partie en club :
- D'abord, si l'on veut rire, il faut bien être certain que le jeu est vécu comme une parodie. On a tous croisé un type qui "parce que c'était un jeu", se permettait des actes odieux, dans le cadre du jeu. Certains le font pour rigoler, parce qu'on franchit un interdit à peu de frais, ou par provoc, parce qu'on joue à être méchant et que ça ne porte pas à conséquence, la fiction faisant sauter quelques freins... Après tout, c'est le même raisonnement qui nous pousse à jouer des aventuriers, ou des explorateurs, alors que nous, dans la vie, sommes généralement plus prudents et moins portés à la bagarre. La fiction pousse à tester d'autres comportements que les notres, à moins penser à sa sécurité, morale ou physique.
Maintenant, on a aussi croisé des gens qui se projettent eux-même dans la partie, avec l'effet grisant d'avoir un personnage plus fort qu'on ne l'est, plus riche ou plus sexy... Si l'on joue avec ce rapport à son personnage, un jeu dans lequel on bastonne des gens sans défense devient beaucoup plus malsain que drole, gênant qu'amusant, et je ne saurais recommander ce genre d'expérience dans un club. Ou alors on nuance, beaucoup, si l'on incarne un gudard brutal, pourquoi ne pas lui donner des attributs ridicules aussi ? Oreilles décollées, tendance à l'alcoolisme, sottise aggravée... Dans ce cas la caricature marche dans les deux sens, ça me parait mieux atténuer l'envie d'en découdre par fiction interposée.
- La seconde réserve, c'est qu'il faut un récit. Dans un jeu comme INS, par exemple, on peut être amené à commettre des actes ignobles, mais c'est toujours dans le cadre d'un récit plus vaste, où l'on sait qu'on incarne des démons, qu'on fait le mal. On a conscience que nos actes sont condamnables. Mais surtout, le récit va généralement plus loin que de juste tabasser des gens ou se défouler sur une minorité. Car juste tabasser des gens, ça ne fait pas un récit, il n'y a ni histoire, ni aventure. En revanche, partir d'une bande de voyous qui s'en prennent à des innocents, pour ensuite les recruter d'office dans une force de police dont ils ne sauraient s'émanciper (costumes de robocop, mais une décharge électrique à chaque tentative de "mal" agir), pourquoi pas ? Surtout si leur chef de section devait appartenir à la minorité en question... Bref, si l'on autorise des actes de ce type, il faut un cadre narratif qui le justifie, qui y donne un sens. Juste se défouler, ce n'est pas ludiquement très intéressant, au delà même de la question morale.
Cela dit, pour moi, un des intérêts du jeu de rôle, c'est bien qu'il permet de "se mettre à la place" d'un autre, d'en jouer le rôle. Il permet d'embrasser la multiplicité des points de vue, de voir qu'on est le con de celui qu'on trouve con, et de trouver de bonnes raisons à cela. Cela nous apprend qu'il suffit parfois de pas grand chose pour supprimer les raisons de se haïr. Le jeu de rôle, par son effet de distance, permet aussi de relativiser son propre point de vue, son vécu propre, quand on a exploré, sous forme de jeu, 20 civilisations, on finit par se dire que la sienne propre a ses qualités, mais ses défauts aussi, on est plus porté à être curieux de ce qui se fait ailleurs, à remettre son univers connu en perspective. Enfin, c'est mon impression.